Le travail juste assure la justice économique aux femmes

Il est profitable à notre économie que les femmes participent à la main-d’œuvre sur un pied d’égalité avec les hommes. Or, un trop grand nombre de femmes ont des emplois à temps partiel et précaires ou travaillent dans des secteurs qui n’offrent que de bas salaires, de mauvaises conditions de travail et peu de possibilités d’avancement.

On entend souvent dire que les femmes doivent « s’imposer » ou qu’il est possible d’atteindre l’égalité des sexes en accroissant le nombre des femmes exerçant des professions de direction ou de STIM. Si nous n’examinons pas les obstacles structuraux à l’équité au travail, les victoires que certaines femmes remportent ne bénéficieront pas aux femmes de toutes les catégories d’emploi et de tous les secteurs. Nous devons changer de façon de penser.

Le statu quo défavorise les femmes

Il est clair que les femmes sont défavorisées dans le monde du travail. La situation est encore pire dans le cas des femmes ayant un handicap, des femmes autochtones, des immigrantes, des femmes noires et racialisées et des mères célibataires, qui sont souvent surreprésentées dans les emplois à bas salaire et précaires ou exclues carrément du marché du travail.

Les femmes continuent d’accomplir la majeure partie du travail ménager non rémunéré, y compris les soins des enfants et des parents malades ou vieillissants. C’est ce qu’on appelle « le deuxième quart » et cela peut influencer leur choix d’emploi ou restreindre leurs possibilités d’avancement. La dépendance de notre société à l’égard du travail non rémunéré des femmes contribue à la pauvreté des femmes, nuit à leur santé mentale et physique, réduit leur gain à vie et accroît le stress familial.

Les stéréotypes au sujet des femmes et des mères influencent les décisions d’embauche et les possibilités d’avancement. La « pénalité de la maternité » est bien réelle.

Le monde du travail change. L’automatisation et d’autres progrès technologiques auront de graves effets sur les emplois des femmes. Le vieillissement rapide de la population est tel que la demande de soins augmente. À défaut d’un investissement considérable dans nos services publics de soins déjà à court de fonds, les femmes seront appelées à combler les lacunes.

La COVID-19, les femmes et le travail

Les femmes, les nouveaux immigrants et les travailleurs racialisés ont été affectés plus que les autres membres de la population par les retombées économiques de la pandémie de COVID-19. Les femmes accusent encore un retard dans la relance et leur taux de participation à la population active demeure grandement inférieur à celui des hommes.

Plus de 1,5 million de femmes ont perdu leur emploi pendant les deux premiers mois du confinement et de nombreuses autres ont réduit leurs heures de travail, réduisant ainsi leur revenu, afin de prendre soin d’enfants ou d’autres membres de leur famille. Les mères de famille monoparentale sont particulièrement affectées, leur taux d’emploi ayant baissé de 12 % (alors que celui des pères de famille monoparentale a baissé de 7 %).

L’augmentation des emplois découlant du déconfinement échelonné de l’économie a été plus lente pour les femmes que pour les hommes. Puisque les services de garde d’enfants demeurent inaccessibles, que la reprise des cours fait appel à l’apprentissage à distance ou hybride dans bien des cas et que la possibilité d’une deuxième vague de la pandémie se profile à l’horizon, de nombreuses mères travailleuses doivent faire des choix très difficiles.

Le nombre des travailleuses occupant des emplois précaires ou à bas salaire qui ont perdu du travail ou des heures de travail est particulièrement frappant : près de 6 sur 10. Les personnes les plus affectées par la pandémie sont celles qui devait déjà faire face à la marginalisation et à la discrimination, soit les personnes noires et autochtones, les femmes de couleur, les femmes ayant un handicap et les personnes nouvellement arrivées au Canada.

Par ailleurs, les femmes se sont trouvées en première ligne de la pandémie, accomplissant le travail qui maintient la santé, la sécurité, l’alimentation et le soutien de nos communautés. Les emplois des secteurs à prédominance féminine que sont le travail de prestation de soins, de bureau, de restauration, de caissière ou de caissier et de nettoyage sont habituellement sous-évalués et ne comportent que de bas salaires, peu de sécurité d’emploi et de mauvaises conditions de travail.

Bon nombre des femmes travaillant dans ces secteurs sont racialisées, immigrantes et migrantes, et la pandémie a accru leur vulnérabilité, y compris le risque d’exposition au virus, l’exposition à la violence et au harcèlement et l’insuffisance d’accès à l’EPI et à des congés de maladie payés.

Favoriser l’égalité des sexes au travail

Si nous voulons vraiment que les femmes réussissent au travail, nous devons voir à ce que les gouvernements et les employeurs soient disposés à aplanir les obstacles à la participation des femmes au marché du travail et à investir dans l’élimination d’un des plus importants d’entre eux : les soins et le travail ménager non rémunérés.

La pandémie de la COVID-19 a fait empirer la situation, particulièrement pour les mères célibataires et les personnes à bas salaire, dont une proportion démesurée sont des femmes noires ou autochtones et des femmes de couleur.

L’égalité des genres au travail exige que les salaires et les conditions de travail soient équitables dans toutes les catégories d’emplois. Elle exige un salaire suffisant pour vivre, et l’accès à des congés et autres avantages sociaux appréciables, qu’une personne travaille à plein temps ou à temps partiel, qu’elle ait un salaire horaire ou fixe, et qu’elle occupe un emploi permanent ou temporaire. Elle nécessite des possibilités d’avancement et des politiques de recrutement équitables. Et elle exige une influence sur son calendrier de travail et des politiques permettant de concilier le travail et les obligations familiales.

Les changements doivent commencer aux niveaux les plus bas des catégories d’emplois et des échelles salariales car ils n’auront pas un effet de ruissellement.

Un plan de relance féministe serait axé sur les besoins des personnes les plus affectées par la crise.

Les gouvernements peuvent recourir aux normes d’emploi pour aider à faire la promotion de l’égalité entre les sexes et du travail équitable pour tous, et voir à ce que la législation sur le travail respecte, défende et favorise le droit de se syndiquer et de négocier collectivement.

Le gouvernement fédéral doit régler la crise des soins et changer le monde du travail en élargissant le secteur des soins et en le dotant de bons emplois pour que l’on cesse de compter sur le travail non rémunéré des femmes.

Afin d’assurer une relance économique juste et équitable garantissant du travail juste et décent à tous, de régler la crise des soins et de favoriser le travail équitable pour les femmes, le gouvernement fédéral devrait :

1. Créer une commission sur l’économie des soins chargée d’étudier, de concevoir et de recommander une stratégie des soins pour le Canada qui :

2. Renforcer et élargir les lois sur l’emploi et le travail afin d’améliorer les conditions de travail et de répondre aux difficultés et aux besoins des travailleuses, notamment en :

3. Donner la priorité à l’élargissement de l’accès aux possibilités de formation, y compris en apprentissage, des femmes et des groupes qui ont moins de possibilités que les autres, dont les jeunes et les travailleurs et travailleuses peu qualifiés, ayant un handicap, nouvellement arrivés au Canada et de couleur, et voir à ce que les personnes à bas salaire aient plus de facilité à acquérir de nouvelles compétences en allongeant la durée de la nouvelle prestation de soutien à la formation de l’AE et en accroissant son taux de remplacement;

4. Prendre des mesures pour éliminer le racisme et la discrimination au travail, améliorer les mécanismes permettant d’obliger les employeurs à honorer leurs obligations et créer des ressources aidant à examiner les politiques et pratiques de travail pour y relever le racisme structurel et systémique ainsi que le racisme et la discrimination individuels, y compris les préjugés conscients et inconscients, les micro-agressions et les stéréotypes, notamment en :